Le 6ème rapport du GIEC est et restera historique, au delà des nouvelles mesures attestant de l’accélération du dérèglement climatique et dressant les scénarios les plus plausibles pour les décennies à venir, c’est bien l’impact des activités humaines sur ce dérèglement qui est prouvé de façon méthodique. Les experts établissent à +1,1°C l’impact direct des activités humaines sur le réchauffement climatique depuis la moitié du XIXème siècle.
Nous sommes donc responsables des cataclysmes à venir et nous ne parvenons pas, pour le moment, à être au rendez-vous de ce défi planétaire. Les discours et les prises de conscience se multiplient, chacun y va de son action, de son projet et de sa bonne volonté, mais en réalité les comportements ne changent que très peu. Et pourtant, nous savons que nous devons changer, que ce changement n’est ni une option, ni une coquetterie, mais tout simplement un enjeu de survie.
Alors que fait-on ? Est-ce que l’on continue à débattre pour savoir qui a raison et qui a tort ? Est-ce que l’on continue d’attendre que nos gouvernants, nos dirigeants ou nos actionnaires décident pour nous qu’il est enfin temps de changer ? Ou n’est-il pas temps de se mobiliser conjointement pour faire évoluer durablement nos comportements et nos façons de penser ?
Car oui, la crise écologique est aussi et surtout une crise cognitive et comportementale majeure. Malgré les faits, les analyses, les initiatives et les connaissances qui s’accumulent et nous alertent, nous ne changeons pas assez, nous préférons maintenir nos attentions sur nos intérêts particuliers et privilégier les gains à très court terme plutôt que les nécessaires évolutions sur le long terme. Notre santé mentale déraille, notre éducation n’est plus adaptée, nos entreprises et institutions peinent à engager et à motiver, nos dirigeants n’inspirent plus confiance, nos symboles culturels s’étiolent, sans que de nouveaux repères communs émergent…
Changer ses habitudes c’est en quelque sorte lutter et se défendre contre soi, c’est choisir de se perturber soi-même dans l’espoir que quelque chose de meilleur advienne
Le problème c’est que ce n’est évidemment pas si facile, nous voulons tous, à certains moments de nos vies, changer nos habitudes et pourtant peu d’entre nous y parviennent réellement et durablement. Que l’on se rassure, ce n’est ni la faute d’un manque de volonté, ni un excès de fainéantise, c’est le résultat de la puissance des automatismes ancrés dans nos schémas mentaux. Nos habitudes ne sont en effet qu’un ensemble d’automatismes acquis par l’expérience et ancrés dans nos cerveaux et nos corps. Ces automatismes sont essentiels à notre survie, c’est grâce à eux que nous pouvons rapidement agir, notamment face au danger, et c’est aussi grâce à eux que nous parvenons à nous comprendre et à faire des choses ensemble sans toujours tout réinventer. Qu’elles soient bonnes ou mauvaises, nos habitudes nous sont utiles et même vitales ! Changer ses habitudes c’est donc en quelque sorte lutter et se défendre contre soi, c’est choisir de se perturber soi-même dans l’espoir que quelque chose de meilleur advienne, qu’une évolution positive se produise.
C’est là toute la difficulté du défi auquel nous avons à faire face : lutter contre nous-mêmes et pulvériser nos croyances tout en ayant confiance en notre capacité à nous adapter et à évoluer. Nous sommes à la fois la source des risques et des solutions, et l’enjeu est de faire du Facteur Humain un facteur positif pour lui-même et pour ce qui l’entoure. Car oui, l’Humain est bien la solution aux problèmes qu’il a contribué à créer, seul lui peut se saisir des enjeux de transition auxquels nous avons à faire face, seul lui peut apprendre de nouvelles façons de se comporter et d’interagir avec son environnement, c’est-à-dire de nouvelles cognitions.
Le défi est de taille mais n’est pas hors de portée. Les sciences de la cognition sont en plein essor, et ce champ interdisciplinaire, qui perce peu à peu les mystères de la conscience, de la motivation, de la mémoire et des comportements, gagne l’attention du grand public et des décideurs. Les opportunités offertes par ces nouvelles connaissances et compréhensions du Facteur Humain sont infinies aussi bien pour notre santé, notre éducation, nos modes de consommation et de collaboration que pour nos façons de considérer et d’interagir avec le monde non-humain.
Le design cognitif doit faire émerger des solutions par et pour les Humains et les ancrer durablement au cœur des environnements dans lesquels nous évoluons
C’est la mission que s’est donné le design cognitif : croiser les sciences cognitives avec les technologies numériques, la data science et le design afin d’activer l’évolution des comportements et des cognitions. Il s’agit de faire émerger les solutions par et pour les Humains et de les ancrer durablement au cœur des environnements dans lesquels nous évoluons.
De toute crise émerge des opportunités inédites, il ne tient désormais plus qu’à nous, Humains, de faire en sorte que l’impact de l’évolution positive de nos comportements et de nos cognitions soit au moins égal à l’ampleur de la crise historique et planétaire dans laquelle nous sommes pleinement entrés. Ce défi collectif nous met face à notre condition d’être humain et en appelle à nos meilleures capacités de soin, de coopération, d’imagination, de création et d’éducation.
Le facteur humain doit maintenant être au centre de notre vision d’avenir et nous appelons donc tous les acteurs privés, publics et associatifs, scientifiques, praticiens, décideurs, designers, artistes, journalistes, collaborateurs et citoyens à se réunir au sein d’espaces ouverts et interdisciplinaires afin d’agir durablement sur celui-ci. Nous ne serons jamais trop nombreux à nous en saisir, nous ne serons jamais trop attentifs pour évoluer ensemble.
Signataires (par ordre alphabétique)
- Sébastien Allain, Directeur UX, Humans Matter
- Arnaud Barbelet, Directeur des opérations, Clientela
- Alexandre Beaussier, Associé, Humans Matter
- Sandrine Bélier, Docteur en psychologie cognitive, Humans Matter
- Laurence Bertea-Granet, Directrice du Hi Lab ! et cofondatrice d’eutopique
- Edouard Blanchard, Associé, Humans Matter
- Emmanuel Bonnet, Enseignant-chercheur Innovation & Développement, Groupe ESC Clermont/Clermont Recherche Management (CLeRMa) & Origens Medialab
- Aurélia Cocheteux, Sense activist, Pixelis design agency
- Jérôme Cohen, Fondateur et président, ENGAGE, cofondateur du Grand Défi des entreprises pour la planète
- Stéphanie de Chalvron, docteure en psychologie cognitive et data scientist, Humans Matter
- Anne de Danne, directrice déléguée, fondation FondaMental
- Caroline Delannoy, cofondatrice CareLabs
- Marie-Pierre Dequier, cofondatrice ze.game et France apprenante
- Jérémy Dumont, Membre fondateur, Nous sommes vivants
- Jacques Fradin, Président GIECO / IPBC
- Olivier Fronty, associé et président Humans Matter
- Didier Ghenassia, Associé Humans Matter et directeur général Happyneuron
- Audrey Gerardin, Consultante, Humans Matter
- Jan Kolar, Fondateur 28°design, artisan de la nouvelle valeur
- Stéphane La Branche, coordinateur scientifique GIECO / IPBC
- Jérémy Lamri, cofondateur du Lab RH
- Saphia Larabi, directrice des publications de La Fabrique Spinoza
- Riadh Lebib, docteur en neurosciences, Humans Matter
- Clément Lemainque, ecosystem manager, le lab RH
- Ruddy Luce-Laplenie, Associé, Yakaïno
- Pénélope Morin, secrétaire générale La Fabrique du futur et déléguée générale de Sens+
- Virginie Raisson-Victor, cofondatrice et porte parole du grand défi des entreprises pour la planète
- Alexandre Rojey, Vice-président de Sens+
- Laurent Sadeg, directeur de création, Humans Matter
- Dominique Sciamma, directeur de CY école de design, président de l’APCI-promotion du design
- Sylvie Siorat, membre contributrice, Nous sommes vivants
- Boris Sirbey, cofondateur Le Lab RH, ze.game et France apprenante
- Alexandre Stourbe, Directeur Général Le Lab RH
- Franck Tarpin-Bernard, Associé, Humans Matter