La capacité d’agir de l’individu est une compétence par laquelle l’individu se sent capable de faire et de mobiliser les ressources dont il pense disposer dans des domaines différents. Elle est composée de deux éléments principaux que sont le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) et l’agentivité.
Le sentiment d’efficacité personnelle correspond à la croyance qu’a l’individu en ses capacités d’action. Il s’agit des “jugements que les personnes font à propos de leur capacité à organiser et réaliser des ensemble d’actions requises pour atteindre des types de performances attendus” (Bandura). C’est un jugement que je réalise à propos de mes possibilités d’action : si je ne crois pas en ma capacité d’agir, il sera difficile pour moi d’initier des actions, quelles qu’elles soient. La motivation a peu de chance de me pousser à l’action si ce sentiment est faible. Car je peux être motivé par l’idée de concrétiser un certain projet et ne pas croire en mes performances. À l’inverse, je peux croire en mes performances et ne pas être motivé pour agir.
Le degré de ce sentiment a des effets directs sur l’autre composante de la capacité d’agir qu’est l’agentivité. Celle-ci désigne le fait pour un individu d’avoir conscience qu’il est lui-même l’auteur de ses actions. En d’autres termes, si mon agentivité est élevée, c’est que je suis animé par la volonté d’agir par moi-même. Je suis alors pleinement conscient que mon action n’est pas initiée par quelqu’un d’autre que moi et que je suis moi-même le moteur de mes actes. L’agentivité se distingue ainsi de l’empowerment qui se définit plutôt comme le fait de donner à quelqu’un le pouvoir d’accomplir quelque chose. En outre, l’agentivité est une compétence qui permet à l’individu de déterminer des projets à la fois individuels et collectifs. Dès lors, la capacité d’agir apparaît comme une compétence essentielle pour prendre soin de soi, des autres et de l’environnement.
C’est pourquoi la capacité d’agir n’est pas une compétence autonome : elle dépend à la fois des aptitudes de l’individu à réaliser des transactions avec son environnement, et de l’environnement lui-même. En effet, la perspective transactionniste héritée de Lazarus (1980) nous indique que l’individu agit parce qu’il est influencé par des facteurs environnementaux et parce qu’il peut agir sur ces mêmes facteurs. Autrement dit, un échange se produit en permanence entre l’individu et son environnement.
Dès lors, la capacité d’agir, en tant qu’elle ne peut pas être pensée isolément de l’environnement, est modulée par des facteurs environnementaux, qui correspondent à la manière avec laquelle l’individu perçoit ce qui est susceptible de l’influencer. Il s’agit notamment du stress perçu, c’est-à-dire de l’évaluation d’une situation par l’individu. Cette approche cognitive issue du modèle transactionniste permet de ne plus considérer le stress comme une réaction physiologique face à un stimulus : un tel modèle tend à faire du stress une réaction mécanique découlant d’un événement stressant et non une réaction subjective dépendant de la perception qu’a l’individu de ses transactions.
Le modèle transactionniste place au contraire l’individu au centre de l’évaluation de l’événement menaçant. L’individu évalue la situation stressante, puis effectue une évaluation des ressources personnelles qu’il peut mobiliser pour y faire face. En d’autres termes, les facteurs environnementaux ne pré-déterminent pas le comportement individuel de façon égale et absolue. Il s’agit plutôt de conditionneurs pouvant être transformés en ressources par l’individu. Ces facteurs peuvent me permettre de décupler ma capacité d’agir : il s’agit là d’une compétence qu’il est possible de développer. En effet, maîtriser notre perception des facteurs environnementaux peut s’apprendre. La mesure de notre capacité d’agir peut aider dans cet apprentissage.
Car en tant qu’elle dépend de l’environnement, dans la mesure où elle n’est pas une compétence qui peut se penser indépendamment des transactions entre l’individu, les autres et l’environnement, la capacité d’agir est une compétence qui se situe au fondement de toute transformation, qu’elle soit comportementale, sociale, organisationnelle… Dès lors, la mesurer permet tout d’abord d’identifier les éléments susceptibles de la développer ou au contraire de la limiter, ce qui permet de mettre en évidence ce qui tend à entraver ou faciliter nos transactions.
Cette mesure est également l’occasion de nous apprendre comment travailler notre perception subjective des facteurs environnementaux et de créer les conditions pour favoriser une bonne santé mentale. La mesure de la capacité d’agir apparaît donc déjà comme une manière de prendre soin de sa santé mentale et de celle de ses collaborateurs, puisque cela permet de focaliser son attention sur les manières possibles d’amorcer les transformations.
C’est l’occasion de se questionner sur les moteurs de notre action individuelle et collective : qu’est-ce-qui favorise les réseaux collaboratifs ? Quelles compétences développer pour améliorer nos transactions ? Comment puis-je transformer ce que je crois aujourd’hui être des limites internes ou externes en levier pour progresser, avancer, apprendre et participer efficacement au travail d’équipe ? Ces questions essentielles peuvent aujourd’hui être appréhendées avec des outils de mesure qui se concentrent sur la capacité d’agir et d’évoluer, faisant ainsi le pari du destin collectif.